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En effet, tout en défendant un rapport « scientifique » à l’effondrement, V. Mignerot a développé un système philosophique personnel, partant d’une « théorie écologique de l’esprit » qui insiste sur sa capacité, déterminée par l’évolution, à occulter les conséquences destructrices de l’action, ainsi que sur la nature essentiellement compétitive de la vie (Mignerot, 2014). Le fondateur d’Adrastia naturalise ainsi l’impuissance de l’écologie politique à enrayer la trajectoire catastrophique de l’humanité. Toute action étant destructrice par nature, et chaque être humain étant partie prenante du processus d’extinction, toute la dimension conflictuelle et éventuellement accusatrice de l’écologie est alors rabattue sur un déni de responsabilité personnelle (Mignerot, 2017 : 111). En particulier, V. Mignerot dénonce les positions qui reportent la responsabilité des
individus consommateurs vers les dirigeants des entreprises et des États. Il assume également sa proximité avec la pensée de l’astrophysicien François Roddier, qui aborde la crise écologique en appliquant les mêmes principes « thermodynamiques » à l’astrophysique et à la sociologie, en passant par la biologie. Pour F. Roddier, l’évolution de la vie sur terre, histoire humaine comprise, tend vers la « dissipation maximale d’énergie », jusqu’à épuisement de celle-ci (Roddier, 2013).
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Cette ligne philosophique radicale s’est progressivement trouvée prise dans des discussions furieuses, au cours desquelles V. Mignerot a été accusé de « fatalisme », d’ethnocentrisme et d’apolitisme (Collectif Le Partage, 2016)
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Note de l’auteur :
cet article a été rédigé principalement en septembre 2018. Certains éléments ont été mis à jours ou ajoutés depuis, mais en se focalisant sur les communautés électroniques catastrophistes, et sur leur rapport tourmenté à une société apparemment indifférente à l’éventualité de sa destruction, nous laissons de côté des évolutions importantes qui se sont produites depuis l’automne 2018, à savoir la diffusion élargie et dans une certaine mesure, la légitimation du catastrophisme (voir
par exemple l’usage banalisé du couple « fin de mois/fin du monde » pour discuter des rapports entre les revendications écologiques et celles des « gilets jaunes », ainsi que les occurrences multipliées de l’« effondrement » dans des arènes savantes).
Il est possible, et peut-être souhaitable, que le désarroi lié à l’isolement et à l’impression d’inaudibilité publique s’atténue, et que les tensions se déplacent maintenant vers le rapport aux institutions, ou vers l’articulation avec une vague récente de mouvements écologistes marqués par un sentiment renouvelé d’urgence.
Résumé
Depuis quelques années, un catastrophisme renouvelé, centré sur la notion d’« effondrement », gagne du terrain parmi les discours consacrés à la question écologique. En nous appuyant essentiellement sur le volet numérique d’une enquête en cours sur les formes collectives hésitantes qui se constituent autour de la conviction catastrophiste, nous nuancerons les inquiétudes sur son caractère dépolitisant, en montrant qu’elle pousse à chercher des appuis collectifs pour surmonter l’impuissance et l’isolement, et pour soutenir des parcours d’autodidaxie astreignants.
Mots-clés
catastrophisme - limites planétaires - effondrement - saisissement - dépolitisation
Connu / https://twitter.com/JMJancovici/status/1101459628586659841
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Jean-Marc Jancovici @JMJancovici 6 hil y a 6 heures
Les « effondrés anonymes » ?
S’associer autour d’un constat de dépassement des limites planétaires par Cyprien Tasset Dans La Pensée...
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