Ce fut le réflexe de défense d’une littérature qui, se sentant menacée parce que ses techniques et ses mythes n’allaient pas lui permettre de faire face à la situation historique, se greffa des méthodes étrangères pour pouvoir remplir sa fonction dans des conjectures nouvelles. […] Nous avons entrepris de faire une littérature des situations extrêmes. » (Jean-Paul Sartre)
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2. Régulation du climat humain
Sartre décrit les conditions de la crise de l’humanisme comme une perte du « milieu naturel » humain. L’image est forte et suggestive. L’homme vivait jusque là au sein de son humanité, qui le couvait comme un milieu. Cette existence englobée par son essence est ce que Peter Sloterdijk appelle la « sphère » ontologique de la métaphysique classique.
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C’est le sens de l’anthropocène : les activités humaines ont atteint les dimensions d’une force géologique. Cette faute et ce mérite nous donnent les responsabilités qui s’attachent au statut de maître. Nous devons répondre de notre puissance et accepter volens nolens d’être responsables de la terre. Cette responsabilité revient à la tâche incommensurable d’être les bergers de l’étant et de faire comme si cet effrayant ministère était humainement possible. Il faut retisser le monde comme réseau de relations. Notre inaliénable liberté, au contraire de nous absoudre, nous enchaîne au vivant dont nous sommes les maîtres. Toute maîtrise est servitude. Dans le déluge qui commence, le patron ne peut plus courir « au plus haut de sa liberté » et laisser les domestiques se noyer à qui mieux mieux dans les étages inférieurs. Tout le monde est embarqué. Nul ne se sauvera tout seul.
• Toutes les citations de Jean-Paul Sartre, sont données dans l’édition « Folio essais » de Qu’est-ce que la littérature ?
• Peter Sloterdijk, Sphères I. Bulles. Microsphérologie – Sphères II. Globes – Sphères III. Écumes. Sphérologie plurielle, traduits de l’allemand par Olivier Mannoni, Pauvert.