Voulue par Emmanuel Macron, la convention citoyenne pour le climat se réunit pour la première fois aujourd’hui avec pour mission d’« accélérer la transition écologique ». Cette démarche originale suscite cependant des questions. Reporterre les analyse.
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On retrouve ainsi parmi les signataires de la lettre adressée au gouvernement, où le collectif mentionne pour la première fois une assemblée citoyenne, Bertrand Pancher, naguère proche de François Fillon, pronucléaire et favorable au projet Cigéo d’enfouissement des déchets radioactifs, ou Carole Delga, l’ancienne secrétaire d’État chargée du Commerce et de l’Artisanat sous le gouvernement Valls.
Ce collectif est suspecté par plusieurs militants d’avoir opéré une forme de trahison et de récupération de la lutte des Gilets jaunes. Alors que le mouvement était matraqué et gazé chaque samedi par les forces de l’ordre, tandis que les groupes de Gilets jaunes refusaient dans leur majorité l’hypocrisie du « grand débat national » et qu’ils tentaient de se structurer avec des assemblées populaires, les Gilets citoyens ouvraient un espace de négociation avec le pouvoir. Le terme Gilet citoyen est en soi « une violence symbolique », selon le philosophe Maxime Chedin membre de la revue en ligne Terrestres, contacté par Reporterre. « Il y aurait d’un côté les Gilets jaunes, factieux, incontrôlables que l’on conspue et de l’autre côté des Gilets citoyens, sérieux et responsables, ouverts au dialogue. »
« En proposant cette convention, reprise par Macron à l’issue du “grand débat”, ils ont offert une sortie politique au gouvernement. Ils l’ont aidé à passer la contestation sans rien lâcher sur l’ISF [impôt de solidarité sur la fortune], le CICE [crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi] ou la fiscalité écologique des entreprises les plus pollueuses », poursuit le chercheur.
Cette convention aurait servi en quelque sorte de bouée de sauvetage. « Quand le monde réel est trop conflictuel, il est tentant pour le pouvoir de créer un micro-espace sous contrôle, une “France miniature” plus maîtrisable », pense le sociologue Christophe Bonneuil.
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Greenpeace voit dans cet outil, « une manière de faire diversion » et une forme de procrastination : « Par cette manœuvre, le gouvernement se dédouane de ses responsabilités et repousse le moment d’agir, alors que les solutions sont connues depuis longtemps et que des textes importants pour le climat, comme la loi d’orientation des mobilités ou la loi Climat-Énergie, sont déjà en cours d’examen », écrit l’ONG dans un communiqué.
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Un gouvernement qui frappe et mutile les manifestants est-il réellement capable de laisser les citoyens décider à sa place ? Il est permis d’en douter, comme le montre l’exemple des États généraux de l’alimentation ou la récente consultation sur les pesticides. « L’enfumage écologique du gouvernement a depuis quelques mois la finesse d’un nuage de gaz lacrymos, note Maxime Chedin, il vise d’ailleurs le même effet de dispersion. »
La convention pourrait être une manière de faire peser sur les citoyens le poids d’une relance de la taxe carbone, qui obtiendrait, de ce fait, une onction démocratique.
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À l’échelle de la France, les 10 % les plus riches émettent huit fois plus de gaz à effet de serre que les 10 % les plus pauvres. Cent firmes sont à elles seules responsables de plus de 70 % des émissions mondiales de carbone. Des auditions de chefs d’entreprise ou d’acteurs du monde économique sont déjà prévues, comme celle d’Augustin de Romanet, le PDG d’Aéroports de Paris.
Mathilde Imer, du comité de gouvernance, assume cette position. « Voulue par Emmanuel Macron, la convention citoyenne pour le climat se réunit pour la première fois aujourd’hui avec pour mission d’« accélérer la transition écologique ». Cette démarche originale suscite cependant des questions. Reporterre les analyse.La convention doit permettre de faire bouger tout le monde, y compris des gens du Medef, des entreprises. Sans cela on ne pourra embarquer toute la société française. »