Durée de lecture : 14 minutes - Énergie Europe
Pendant plus d’une décennie, les lobbies fossiles ont usé de leur influence pour ralentir le développement des renouvelables, largement portés par des mouvements citoyens. [1/4]
Vous lisez la première partie de l’enquête « En Allemagne, une transition à tout prix ». La suite sera publiée demain.
Berlin, correspondance
La neutralité carbone est-elle une utopie ? Pas du tout, répondent les habitants de Rhein-Hunsrück, à l’ouest de Francfort. Eux l’ont réalisée. Les émissions de CO2 de leur canton, qui s’élevaient autrefois à 690 000 tonnes par an, sont nulles depuis 2018. Un succès fait de sobriété énergétique et d’abandon des énergies fossiles : éoliennes, panneaux solaires et déchets végétaux alimentent en électricité et en chauffage les quelque 100 000 habitants du canton. Le surplus est revendu sur le marché, les millions d’euros de bénéfices en sont redistribués entre les communes et les coopératives citoyennes. « Chacun tire profit de la transition, ça génère une très forte acceptation », explique Frank-Michael Uhle, en charge des questions climatiques au sein du canton.
...
l’unique canton neutre en carbone outre-Rhin
...
Le pouvoir des lobbies
« Les coopératives ne suffisent plus, il faut organiser les choses de manière professionnelle », assurait en 2018 Bernd Westphal, porte-parole du SPD, le parti social-démocrate qui cogouverna avec le parti conservateur durant trois des quatre mandats d’Angela Merkel. Sur ce sujet comme sur le reste, le gouvernement reprenait l’argumentaire des énergéticiens : le coût des renouvelables, le risque de manquer d’électricité, ou encore le coût social de la disparition des emplois liés au charbon — ils n’étaient qu’à peine plus de 26 000 à l’époque.
Tous les moyens semblaient bons pour influencer les choix politiques. Commandes d’études orientées [1], invitations de dirigeants à des voyages, offres d’emploi grassement rémunéré… et même des pratiques illégales, comme l’a révélé « l’affaire RWE » de 2004 : deux dirigeants de la CDU d’Angela Merkel furent contraints à la démission après que la presse ait révélé qu’ils avaient indûment perçu des dizaines de milliers d’euros de la part de l’énergéticien. En Rhénanie, où RWE exploite des mines, près de 200 élus locaux étaient alors des salariés de la société.
...
Notes
[1] Comme cette étude qui, avec des calculs nébuleux, affirmait que 1 emploi sur 3 dans l’énergie dépend du charbon. https://www.iwkoeln.de/studien/roman-bertenrath-cornelius-baehr-thilo-schaefer-strukturwandel-in-den-braunkohleregionen.html