Léa Falco : comment faire écologie ensemble ? : épisode • 4/8 du podcast « Je rêvais d’un autre monde » - Mardi 29 août 2023 / La terre au carré
Comment faire écologie ensemble ? ©Getty - FG Trade Latin
Série « « Je rêvais d’un autre monde » »
Ni les jeunes, ni les consommateurs, ni les entreprises ne pourront enclencher seuls une véritable transformation écologique structurelle de notre société. Pour être efficace, l’engagement écologique doit être pluriel et diversifié.
Y a-t-il vraiment d’un côté des boomers qui minimisent l’ampleur de la catastrophe climatique et de l’autre, de jeunes militants écologistes radicaux ? Comment “faire écologie ensemble” toutes générations confondues ?
Pourquoi n’y a-t-il pas d’adhésion unanime à une société écologique ? Comment et avec quels outils fédérer tout le monde autour du projet de construire une société écologique ?
Ce sont les questions auxquelles tente de répondre Léa Falco, porte-parole du collectif “Pour un réveil écologique”, dans son premier essai Faire écologie ensemble publié aux éditions Rue de l’échiquier.
Démontrant les écueils artificiels de la réflexion sur la transformation écologique, elle propose de dépasser la vision fataliste et clivante de l’écologie, et de dépassionner le débat pour bâtir une société soutenable.
Avec Léa Falco, membre du collectif "Pour un réveil écologique"
Extraits de l'entretien
En juin dernier, la dissolution des soulèvements de la Terre a provoqué une véritable fracture entre ceux qui soutenaient le mouvement et ceux qui applaudissaient des deux mains l'arme lourde utilisée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. La décision de la dissolution a été suspendue depuis par le Conseil d'État. Ces derniers mois, en tous les cas, le radicalisme des militants a entraîné des tensions et une polarisation autour de l'écologie.
Et pourtant, face à l'urgence environnementale, une mobilisation collective de grande ampleur serait nécessaire pour parvenir à une véritable transformation de nos sociétés. Comment y parvenir ? C'est l'objet d'un livre Faire Ecologie signé Léa Falco membre du collectif Pour un réveil écologique que vous publiez aux éditions de l'Échiquier La guerre des générations n'aura pas lieu. Alors, comment mener la transformation ? Avec qui ? Compte requis pour qui ?
Un mode d’action adapté à la situation
Pour Léa Falco, le mode opératoire des écologistes est adapté : « Étant donné qu'il faut faire de la forme pour pouvoir être entendu dans les médias, les actions des soulèvements de la Terre, de désobéissance civile, permettent parfois que l’on parle un peu plus du fond. Je ne me colle pas la main sur la rue pour empêcher la circulation, mais je trouve dommage que les médias décrédibilisent ces actions plutôt que de se poser la question de pourquoi ces gens font ça. »
Un besoin d’ouverture et de diversité
Le militant écolo type aujourd’hui est une femme plutôt issues de milieux aisés, CSP+ et plutôt à gauche. Léa Falco « j'ai de la chance. Mes parents sont respectivement infirmière et électricien et donc j'ai un rapport au réel vraiment concret. J'ai été à l'école, au lycée, avec des tas de gens qui n'étaient pas du tout intéressés par l'écologie. On est conscient qu’on ne peut pas rester dans ce carcan actuel, plutôt urbain, assez parisien. On a un besoin d’ouverture. »
Un débat intergénérationnel
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Léa Falco : « Nos parents ou grands-parents ont des enfants, des petits-enfants, parfois des arrière-petits-enfants qui vont vivre dans ce monde-là. Donc tout le monde a un intérêt à participer à la construction de la société. Mais lorsqu’on arrive au quotidien, ce n’est pas toujours marrant. Des parents, jeune retraités qui veulent partir à l'autre bout du monde… On arrive à la vraie question : structurellement, ce n’est pas facile d'être écolo aujourd'hui. C'est une question de volonté. Souvent, c’est plus cher, plus compliqué, et forcément socialement valorisé de voyager autrement. Le monde n'est pas fait pour que l'on soit écolo. Mais il faut faire en sorte qu’on obtienne des infrastructures qui vont nous permettre à tous d'être plus écolo. »
Un conflit artificiel
Léa Falco : « Il n’y a pas d’un côté une génération climat qui serait une génération jeune. Et puis, derrière le reste de la population. « Le parangon de la réussite qu'on nous propose en tant que jeune, est de voyager vite, de posséder des choses. Toutes les représentations, que l’on ne voit pas toujours, car nous vivons dans notre petite bulle. Les représentations actuelles du succès sont celles des grandes stars, des joueurs de foot et de tout un tas de gens qui, n'ont pas des modes de vie soutenables. »
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Zoom Zoom Zen 54 min
Léa Falco : « Je suis passée au début pour la chiante qui voulait qu'on mange végétarien un repas et qui du coup forçait tout le monde. Mais petit à petit, j’ai taché de faire en sorte d'impliquer les gens dans la réalisation du repas. Lors d’un week-end on a fait un repas végétarien à nos amis. Ils ont découvert que manger végétarien était très correct, y compris si on faisait des courgettes braisées plutôt que des saucisses au barbecue…. C’est un travail de longue haleine. »
La peur ne fonctionne pas pour rendre les gens écolos
Léa Falco : « Instinctivement, on se dit que faire peur aux gens les fait bouger. Sauf que la recherche en communication climatique vous montre que c'est plutôt le contraire. La peur a tendance à paralyser. Si on vous donne l'impression que vous ne pouvez rien faire individuellement… Vous n’agissez pas. Et puis avec ces méthodes anxiogènes, on arrive à fédérer 8, 10 ou 15% de la population. Si on veut un projet d’ampleur, il vaut mieux évoquer les bénéfices de la transformation écologique. Il faut donc inventer un modèle qui soit à la fois émancipateur et agréable pour chacun, dans lequel on est une bonne santé, et qu’on ressente un bien-être. »
La décroissance
Léa Falco : « Croissance, ou décroissance, ce clivage qui n'a pas besoin d'être. Il va y avoir des secteurs qui vont croître et d'autres qui vont décroître. Il faut pour l'instant pouvoir s'extraire un petit peu de ce débat. Dans un premier temps, il faudra bien faire avec les entreprises et le système actuel. Je ne vois pas le grand soir, mais plutôt une série de petits matins qui progressivement éroderont le modèle jusqu'à ce qu'à ce qu’il ne fonctionne plus du tout comme auparavant. »
La contrainte législative
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Léa Falco : « Les entreprises ne bougeront pas, car elles ne gagneront pas d’argent. Sauf à faire du green washing. Les citoyens doivent agir les premiers. Seule la contrainte législative fonctionne. Mais des mouvements s'organisent et vont faire le lien entre l'incapacité individuelle à faire changer les choses et la nécessité de mouvement structurel, comme la Convention des entreprises pour le climat. Les entreprises vont se concerter pour changer leur modèle et en plus, elles vont créer des revendications politiques pour le législateur… »
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